Jean-François Monod a voyagé vers Katmandu en Solex, c’est maintenant un livre
Un an après les événements de mai 68, voyager en vélosolex jusqu’au Népal depuis la capitale semblait une idée folle. Pourtant Jean-François Monod et Philippe Bissières l’ont fait. Jean-François avait tout noté dans un carnet qui était resté dans des tiroirs. Certes, ils avaient fait quelques reproductions de leur trajet à leur retour. La rencontre entre Jean-François Monod et l’éditeur Bruno Salgues a fait ressurgir ces notes inédites dans un ouvrage qui vient d’être publié : Paris Katmandu en Solex, Les chemins de Baklava.
Jean-François nous raconte ce périple hors normes de plus de 10 000 km. Ils ont traversé ensemble 9 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Yougoslavie, la Bulgarie, la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde et le Népal. Ce voyage serait quasiment impossible à réaliser de nos jours, du fait de la présence de conflits et aussi du contexte international.
Prendre son solex, remplir le réservoir de Solexine, et charger quelque 50 kilogrammes de bagages dans les sacoches, puis partir, tel était le projet fou qui consistait à joindre Katmandu au Népal.
Se préparer est indispensable
Pour préparer ce voyage, Jean-François a d’abord testé un Paris-Istanbul, puis il a travaillé chez Solex où la fiche de paie était de 580 francs à l’époque, ce afin de bien comprendre l’engin, car il faut pourvoir maîtriser la mécanique sur un trajet aussi long.
La préparation est aussi mentale. « Dans une telle aventure, on vit au rythme de notre corps, de la météo et du solex », affirment les deux compagnons de voyage. Il faut accepter mentalement un tel trajet. Si le solex oblige à vivre à sa vitesse, il permet de prendre le temps d’observer les paysages. Le projet imposait de vivre pendant plusieurs jours en autonomie totale : « Cela fait partie de l’aventure. Il faut parfois chercher de l’eau et de la nourriture, car dans certains endroits peu habités, il n’y a quasiment rien », se souviennent-ils. La traversée du désert, c’est l’enfer de la poussière qui transforme hommes et machines en sculptures de pierre animée.
« C’est la meilleure façon de voyager », affirme Jean-François Monod, cet aficionado du solex.
En solex, les paysages défilent à une vitesse presque naturelle, plus rapide que le trajet à pied, moins rapide que la voiture ou le train. C’est la meilleure façon de voyager. Cela permet d’observer, de faire attention aux détails. Mais parfois, ce naturel nous dépasse quand la poussière soulevée par la route nous transforme en personnage masqué et nous empêche de voir quoi que ce soit.
Ce voyage était hors normes. « On ne voulait pas prendre la voiture, ou faire une partie du voyage en avion. Pour ce qui est de la première solution, on y voyait que des contraintes. Quant à l’avion, c’était excessivement cher ». À cette époque, les motivations écologiques n’étaient pas au goût du jour. Le voyage en solex était pour eux simplement une philosophie.
L’improvisation n’est pas de mise. Ils avaient déjà de l’expérience sur un trajet vers la Turquie, la préparation a donc été rapide. Les deux compères ont travaillé quelques heures sur l’itinéraire. Dans ce mode de voyage, il reste une grande part d’improvisation face aux aléas climatiques, administratifs et aussi mécaniques. La flexibilité qu’il faut laisser à ce genre d’aventure donne une sensation de liberté.
Voyager de cette façon, c’est vivre au rythme des jours, mais aussi de la possibilité du corps de ceux qui entreprennent un tel périple. Entre Paris et Katmandu, ils ont dormi un certain nombre de fois dans des bottes de paille. Des photographies confirment cette situation périlleuse. De temps en temps, les aventuriers se sont offert une nuit sous un toit pour recharger les batteries. Parfois, il s’agissait d’endroits insolites qui leur permettaient de rencontrer les habitants des villes et des villages traversés. Immédiatement, ces derniers ont été croqués dans les notes prises par Jean-François Monod. Dans d’autres cas, l’un et l’autre ont découvert des lieux plus institutionnels, comme des églises et des gendarmeries.
« On est parfois contraints de ne pas tout faire en solex. Il arrive que l’on prenne d’autres modes de transport, comme le bus lorsqu’il faut régler des problèmes, ou bien encore le train pour voyager en Inde. Les autres moyens de transport sont utilisés comme un joker pour faire plus facilement du tourisme par exemple », ajoutent-ils.
Une double obligation : prendre son temps et des notes
Le solex de base roule à 30 km/h, il faut du temps pour atteindre la terre promise : Katmandu. À cette vitesse, les jolis chemins boisés, les zones agricoles, les petites routes de montagne, les pentes dans lesquelles il faut aider le solex, autant de souvenirs qu’il était nécessaire de noter au fur et à mesure.
Il y a eu un gros travail d’édition pour transformer ces notes en livre ; non seulement la chronologie du voyage apparaît, mais il est de plus complété par de nombreux encadrés explicatifs, ainsi qu’un index afin de comprendre les points clés de ce trajet : un travail de titan mené en coopération entre l’auteur et son éditeur.
Cet ouvrage est construit pour donner envie de voyager, bien que pour certains pays, ce soit un peu plus délicat en ce moment.
À l’époque de ce voyage, filmer était peu envisageable, mais un instamatic a fait l’affaire. Les photographies de ce voyage illustreront par la suite l’ouvrage. Jean-François et Philippe ont ainsi bien documenté leur expédition. Ils ont immortalisé les personnes rencontrées et les plus beaux paysages de leur voyage. À leur retour, ils ont partagé leurs souvenirs dans un ouvrage ronéoté (?????????) et donné également des conférences.
Paris Katmandu en solex
Les chemins de baklava
Jean-François Monod
Collection École de Narbonne
Cap de l’Étang Éditions
Nombre de pages : 314
Prix : 30 €
Format 16 x 24 cm
Couverture : Broché
Poids : 524 g
ISBN, EAN13 : 9 782 376 132 059
Des rencontres
Le livre est à la fois l’occasion de parler des liens qui nouent les humains entre eux, de mettre en avant des lieux coups de cœur du voyage, et enfin de donner envie de partir voyager en solex. « Toutes ces rencontres humaines nous marquent. « Il y a des moments spéciaux, des rencontres imprévues, les consigner était important », nous confie Jean-François Monod. L’ouvrage foisonne de ces détails croustillants et sensibles.
Au cours de ce voyage, Monod et Bissiéres se sont rendu compte que le solex est un vecteur social. Non seulement ce moyen de locomotion suscite la curiosité, mais il possède d’autres vertus. Entre autres, il permet d’engager plus facilement la conversation. Il devient également le manège inespéré des enfants. L’attrait du solex peut-être aussi à l’origine d’une invitation à manger chez un inconnu. Sur les routes, les deux compères croisent de nouveaux hippies en quête de paradis artificiel, des aventuriers comme eux dans les premiers camping-cars sous le nom évocateur de Moogli.
Ce n’est pas un scoop, Jean-François Monod a rencontré son épouse au cours ce voyage. Le couple partage actuellement son temps entre la région parisienne et l’Auvergne. Ils pratiquent tous deux le solex depuis les années 70. Par la suite, ils ont cherché des destinations pour des vacances en solex… ensemble, bien sûr.
Jean-François Monod, né en 1946, est probablement tombé dans la marmite du solex popularisé la même année. Sa première expérience en 1960 lui fait découvrir le solex, sans freins… pour terminer dans une haie de lauriers « sans couronne ».
En 1966, une virée en solex et en solitaire Paris-Istanbul-Paris est organisée pour se préparer mentalement à 18 mois de service militaire…
Il quitte son travail d’agent de voyage en 1969 pour partir lui aussi à l’aventure pour une escapade Paris-Katmandou, destinée très prisée par les hippies. Après quelques recherches pour trouver un équipier ou une équipière, il rencontre par hasard un autre solexiste, Philippe Bissières, étudiant en Art déco. Le challenge sera vite conclu. Ils travailleront ensemble à l’usine Solex pour s’initier à la mécanique et financer leur expédition. Cette expédition est à l’origine de ce livre.
Arrivé à Katmandou après de super péripéties, l’auteur rencontre Martine lors de photos publicitaires pour Solex. Un trekking sur l’Annapurna et un échange d’adresse lui permettront de la recontacter plusieurs mois après, et de lui proposer un Paris-New Delhi, toujours en solex !
1971 et suite : la belle Martine accepte, et la nouvelle aventure dure 7 mois… De retour en France, ils se marient, ont des enfants, et Jean-François travaille dans une maison des jeunes et de la culture (MJC), mais il n’a rien perdu de son addiction au solex.
À l’aube de la ville nouvelle d’Évry où le couple s’est installé, Jean-François Monod fait acheter un lot de solex en 1975 et organise un rallye Évry-Troisdorf, ville allemande jumelée avec Évry, ce avec 10 jeunes de la MJC.
En 1976, le solex a du succès, et c’est reparti pour un Évry-Zagreb-Évry avec 8 jeunes qui assureront sans problème. La même année, toujours en solex, c’est Évry-Le Puy en Velay-Évry afin de découvrir l’Auvergne !
En 1979, il troque momentanément les solex pour des motobécanes prêtées par la firme, pour le premier match de football sur glace « Mob’Glace » européen à Évry et qui sera sponsorisé et filmé par TF1. La même année, retour au solex pour un nouveau trajet Évry-Troisdorf-Évry avec 11 jeunes de la MJC et toujours le patronage et film de TF1.
En 1985, devenu éducateur dans un centre social, il organise en coopération internationale avec l’Angleterre un rallye Évry-Brighton-Évry avec 16 jeunes d’Évry et des Ulis (8 filles/8 garçons + une accompagnatrice et lui-même). Tout cela se passera comme sur des roulettes, sans pannes majeures ni accidents, dans le respect des consignes et dans la bonne humeur collective.
À partir de 1990, Jean-François Monod devient conseiller emploi-formation et spécialisé dans l’aide aux jeunes en difficulté. Il organise 4 années de suite avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse des chantiers de reboisement de forêts au Bénin et l’aménagement de zones maraîchères au Burkina Faso.
Pour fêter les 70 ans de la création de la marque Solex, Martine et lui sont invités à Berlin en 1976 où une association locale de « solexistes » leur prête des solex pour une mémorable traversée de Berlin.
Les hasards de la vie ont permis à l’auteur de voyager en Afrique, en Asie Centrale, en Europe, au Canada, à Cuba, en Inde, au Moyen-Orient, au Népal et au Pérou, occasions de balayer ses préjugés et d’essayer d’améliorer ses rapports avec les autres.